Un spectacle en hommage à Jean Anouilh à qui Bernard Pisani doit ses premiers pas sur scène.
« Il a l’air de sortir d’un compte des Frères Grimm comme le vaillant petit tailleur, vous vous souvenez celui qui allait “en tuer sept d’un coup”. Au début du conte on ne sait pas ce qu’il va tuer, mais on est sûr qu’il va faire un malheur – comme on dit dans le métier – mû par cette force, cette détermination souriante, qui fait sauter tous les obstacles.
Qu’est-ce que la vaillance ?
C’est du courage pour lutter, mais en connaissant bien ses armes, en sachant les employer avec sagesse, et sur fond de vraies valeurs (mêmes racines).
Le “petit” Pisani, lui, à quinze ans, lors des répétitions de LA GROTTE, a saisi les fils d’un dialogue amicalement théâtral avec son auteur. Depuis, apparemment, il n’a pas changé : la taille et le comportement sont les mêmes mais en lui, sérieux et compétences – compétences au pluriel – ont grandi. Il sait chanter – très bien. Il sait danser – très bien. Il sait jouer la comédie, très bien aussi, et, dans les genres qu’impliquent ces disciplines, il sait mettre en scène également : son BRITANNICUS a laissé un souvenir très rare.
De plus, les sales mouches de la paresse, de la laideur et de la vulgarité, les pensées négatives des moments difficiles, il les a toutes tuées – vaillamment – comme le petit tailleur du conte. Et c’est ce qui étonnait Anouilh qui lui aurait donné beaucoup plus de rôles s’il en avait été plus souvent le personnage. Il l’a fait chaque fois que l’emploi coïncidait (Pisani a dû jouer 4 ou 5 pièces de lui). Il lui a même donné une mise en scène : son RICHARD III.
Mais – trop jeune, trop petit, trop vieux, trop mince, trop naïf, trop fin … trop de trop – le refrain il l’avait assez entendu.
Alors, lui qui sentait si bien ce théâtre, sous toutes ses facettes, il s’est écrié : “Merde ! Merde ! Merde ! Je vais m’en faire sept d’un coup de ces textes que j’aime et je les ferai vivre, moi, à ma manière !”
Et il l’a trouvée, la formule – le projet avait d’ailleurs été élaboré sous un autre titre trouvé par Anouilh lui-même avant sa disparition : Scènes d’amour et d’orages.
C’était un très joli titre, mais le choix des textes joués par un personnage unique et multiple (je traduis : un one man show pour Messieurs Toubon et Druon) nous a amenés à en trouver un autre, plus aligné sur le spectacle, conçu en harmonie par Alain Germain et Colombe Anouilh avec une élégance aérienne et un solide bon goût,Les Anouilhesques, où les amours et les orages apparaissent néanmoins en filigrane.
Parti sans décoration, sans titre d’aucune sorte, sans fauteuil d’académicien, et sans rue à son nom (mais rien de tout celà n’était dans ses ambitions) il a pourtant été conféré en honneur à Anouilh, une distinction rare qui ne se revendique pas, qui lui fût accordée à son oeuvre comme ça, tout naturellement, presque en catimini. Un objectif, un simple adjectif, encore plus glorieux d’être sans majuscule (bien sûr pour un adjectif !): anouilhesque … Évocation d’un ton, d’un son, d’un mystère, d’une ambiance propre à lui seul.
Le “petit” Pisani avec sa ferveur et tous ses talents réunis nous en distille le parfum tout au long de son spectacle en volutes qui atteindront, cela est sûr, l’âme de son auteur.
A coeur vaillant, rien d’impossible. »
Nicole Anouilh
Chanteur, Comédien
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