BERNARD PISANI OU LA RELIGION DU SPECTACLE
Petites tables, lumières tamisées, vin léger à l’Espace des Arts.
Du cabaret, du vrai, fort et sans concession.
Grand charme et grand métier de Bernard Pisani, homme de scène comme on en voit rarement, chanteur, danseur, comédien.
TOUTE LA MUSIQUE !, c’est le titre du spectacle, chanson, comédie musicale, mélodie française.
Les textes sont là aussi ! Et comment ! Avec leur incessante comédie humaine.
A l’école des plus grands qu’il reprend avec intelligence, Bernard Pisani réussit en quelques minutes à nous emmener dans un ailleurs tout simple où nous sommes finalement plus vrais que nature.
Chavirés ou complètement démunis par l’amour avec Jean Ferrat “Hé l’amour”, “l’Hymne à l’amour” de Piaf et Marguerite Monnot, “La Vie commune” ou “Oh non Madame !”.
Là, l’interprète se fait auteur pour revendiquer bien haut sa fragilité d’homme.
Une vision juste et forte de moraliste et la trempe du meilleur Brel.
Si l’ensemble des thèmes choisis évoque avec gravité et fantaisie nos petites grandeurs très humaines, tout dans la personne et le talent de Bernard Pisani respire la clarté.
Le visage jeune, souriant.
La voix lumineuse, chaude dans le médium et le grave, légère à s’envoler au contre-fa en tête.
Grave et léger à la fois aussi, tellement ouvert, le coeur et le corps, délié jusqu’à l’âme par des années de danse à l’Opéra.
L’étonnante souplesse dans l’être et le vivre, l’exceptionnelle intensité de la présence en scène autorisent Bernard Pisani à se montrer excellent et dans tous les répertoires.
Bouleversant à la suite de Piaf dans Le Vieux Piano, Je sais Comment (quel légato !), émouvant avec Les Goélands de Lucien Boyer, sobre dans Les Berceaux de Fauré, drôle quand il reprend le succès des Frères Jacques La Queue du Chat, Bernard Pisani ne se départ jamais d’une grande élégance. C’est sa manière à lui d’être pudique, pur et honnête. Avec lui l’opérette: Offenbach, Chabrier prennent du poids, de la vie, presque du sens.
Le métier du spectacle comme ascèse et recherche de perfection intérieure, c’est tellement rare à ce point.
Pisani, c’est mieux que tout ce que l’on a vu et entendu depuis longtemps, et c’est encore ce soir à l’Espace des Arts.
- Jeanne Laroque - LE COURRIER de Chalon-sur-Saône